Né le 11 décembre 1964 à Albi, Nicolas Repac aime faire remonter ses premiers émois musicaux à la jubilation qui s’emparait de lui aux accents du Te Deum de Charpentier lorsque sa mère pour avoir la paix l’installait, gamin, devant la mire de la télévision… Élevé dans un milieu modeste et populaire où l’on n’a guère de temps à consacrer à la musique, le petit Nicolas ne va pourtant dès lors jamais voir sa passion diminuer. Se nourrissant de tout ce qui lui passe par les oreilles — des artistes de variété à la mode écoutés par ses trois sœurs aux quelques disques de Rock’n’roll dénichés dans la discothèque maternelle (Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Bill Haley…) — il s’ouvre très vite à des formes plus sophistiquées (Pink Floyd, l’“album blanc” des Beatles) et à 13 ans, après avoir réclamé à corps, à cris (et en vain !) un piano, obtient sa première guitare, achetée au Carrefour du coin. Enfermé dans sa chambre, aidé simplement d’une méthode rudimentaire, il passera des heures à s’initier en autodidacte à l’instrument, s’appliquant à reproduire d’oreille ses coups de cœur du moment (de Bob Dylan à Julien Clerc en passant par Deep Purple et Bob Marley…), puis rattrapé par un amour des mots et de la poésie (Baudelaire, Rimbaud), à composer ses premières chansons, sous l’influence conjointe de Charlélie Couture (“Poèmes Rock”) et Serge Gainsbourg. Son bac en poche il s’inscrit en fac de Philo, monte son premier groupe, Ici Londres, influencé par le rock post-punk métissé de reggae venu d’Angleterre mais surtout découvre très vite les grands maîtres du jazz (Armstrong, Bille Holiday puis Charlie Parker, Miles Davis…) et décide de s’initier à l’improvisation.
A 23 ans il fait le grand saut en montant à Paris avec dans l’idée de s’inscrire au CIM pour devenir guitariste de jazz et faire de la musique son métier. L’aventure tourne court, mais Repac se voit alors proposé de concevoir l’habillage d’antenne de Radio France Lyon et achète à cet effet ses premiers synthétiseurs et boîtes à rythmes. C’est la révélation. Il relègue sa vieille guitare au magasin des accessoires et tout en accumulant les petits boulots pour vivre commence à concevoir de la musique à base de machines et de séquenceurs. Au début des années 90 il élargit encore sa palette en découvrant les potentialités créatrices de l’ordinateur et bientôt du sampleur, instrument majeur à partir duquel, influencé par Björk, le hip hop et la jungle, il pose progressivement les bases de son propre univers, résolument hybride. En 1995, le comédien Jean-Michel Noiret, séduit par ses propositions, l’embarque dans l’aventure de son premier disque en lui proposant de réaliser les arrangements de ses chansons. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance à Amiens de Philippe TessierDuclos, ingénieur du son attitré des disques Label Bleu, qui devient son ami et lui ouvre de nouveaux horizons.
Nicolas Repac se met alors à réaliser plusieurs remix pour des jeunes groupes français de rock indé comme No One Is Innocent et surtout rencontre le chanteur/auteur/compositeur Arthur H, alors en quête de nouveaux sons et de nouveaux partenaires. Le coup de foudre est immédiat entre les deux hommes, qui débouche bientôt sur la réalisation d’un premier album en commun, “Trouble-fête”, inaugurant une collaboration qui près d’un quart de siècle plus tard et pas moins d’une demi-douzaine d’albums au compteur (parmi lesquels “L’homme du monde”, qui remporte la Victoire de la musique du meilleur disque pop/rock en 2008) demeure toujours aussi vivace et féconde.
Parallèlement Repac commence alors à envisager une carrière solo et toujours grâce à Teissier-Duclos enregistre en 1997 pour Label Bleu- Indigo “La Vile”, recueil de chansons urbaines à la fois sombres, lyriques et violemment mélancoliques, qui lui permet de se produire sur scène et d’obtenir le Prix de “meilleur espoir masculin” au festival des Francofolies en 1999. Dans la continuité il multiplie les expériences de producteur et arrangeur (Maurane, Alain Bashung) et en 2004 enregistre pour le tout jeune label No Format “Swing Swing”, malicieuse et ludique divagation électro autour du jazz des années 30 toute en samples concassés, tourneries rythmiques hallucinées et atmosphères sensuelles et rêveuses. La réussite du disque lui ouvre de nouveaux horizons et notamment, toujours pour No Format, une collaboration avec la chanteuse malienne Mamani Keita qui débouchera sur deux albums (“Yelema” en 2006 et “Gagner l’argent français” en 2011) mélangeant jazz, rock, dub, musique mandingue et électro avec grâce et intelligence.
En 2007 Nicolas Repac renoue avec ses ambitions d’auteur/compositeur/interprète en publiant “La grande roue”, album aux atmosphères nocturnes et oniriques, qui tout en semblant à première vue se référer au genre plus codifié de la chanson française, s’inscrit en fait totalement dans la continuité de son travail, en participant pleinement de son esthétique de l’hybridation et du métissage généralisé. Dans la foulée il inaugure un autre type de collaboration avec l’alter ego Arthur H en publiant chez Naïve l’album “L’or noir”, sélection de textes d’auteurs et poètes créoles (Césaire, Glissant, Depestre), magistralement mis « en scène » et en musique… Ce coup d’essai sera suivi en 2014 d’un autre volume, “L’or d’Eros”, consacré cette fois à la littérature et poésie érotiques.
En 2012, dans l’esprit et l’esthétique de “Swing Swing”, il propose avec “Black box” une rêverie rétro-futuriste autour du blues, revisitant l’âme et les formes de cette musique matricielle à partir de documents travaillés/détournés dans une perspective à la fois résolument moderniste et respectueuse des traditions empruntées. Tout en poursuivant ses activités de producteur (il approfondit notamment sa connaissance de la musique africaine en réalisant coup sur coup des albums pour Abou Diara et Dobet Gnahoré) , il entame un travail pour l’image (déjà amorcée en 2008 dans une collaboration avec Michel Portal) en signant plusieurs partitions pour le cinéma parmi lesquelles “21 nuits avec Pattie” des frères Larieux en 2015, “Les enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris 10e” de Ruth Zilberman, et “Le poulain” de Mathieu Sapin en 2018.
Avec sa science polyphonique des samples savamment déconstruits et recomposés, sa façon inimitable de pulser de tourneries rythmiques subliminales des atmosphères sensuellement oniriques, son ouverture d’esprit sans limites sur l’infini des traditions musicales qui constituent aujourd’hui notre culture commune, Nicolas Repac est incontestablement un artiste de son temps, branché sur les pulsations les plus intimes d’une modernité en éternelle métamorphose.